vendredi 1 mai 2009

La peur du monstre

Une étudiante en sexologie que j’appelerai Isabelle pour préserver son anonymat, m’a demandé de participer à un de ses travaux dans le cadre d’un cours de relation d’aide, et j’ai accepté. J’ai joué le rôle de l’ « aidée » le temps de trois rencontres de 45 minutes chacune. Nous devions partir d’un élément particulier de ma vie, qui me préocupait. Je devais m’ouvrir et développer sur ce point pendant q’elle pratiquait avec moi ses techniques d’intervention. Je l’ai fait pour l’aider...Et me suis finalement retrouvée « aidée » plus que je ne l’aurais cru. Je dois même admettre que je n'aurais pas refusé quelques rencontres supplémentaires.

Plusieurs points sont resortis de ces trois entretients et j’ai été surprise de me voir aussi fragile, aussi sensible, face à la femme que je suis devenue. Je me savais très bavarde, capable de parler assez facilement de moi. Cependant, je ne m’attendais pas à ressentir un malaise en m’ouvrant les tripes et en dévoilant la face plus cachée de la lune, ainsi que ses cratères immenses. J’ai même ressenti de la honte en discutant de certaines de mes faiblesses. Je l’ai fait avec elle en me disant que, ce qu’on n’a pas envi de dire est bien souvent ce que nous avons le plus besoin de dire. C’est dans cette même optique que j’ai décidé d’en partager une partie avec vous. Elle m'a aussi suggéré que l'écriture pourrait m'être bénifique mais ça, je le savais déjà.

D’abord, je suis une personne insatiable et excessive. En ce qui concerne la séduction, je dirais que si je le pouvais, j’aimerais pouvoir garder un (ou plusieurs?) homme(s) dans une érection permanente. Cela va bien au delà du sexe ou de la perversion. J’aime séduire et être séduite. J’aime me sentir désirée comme la plupart des femmes mais la différence est que moi il m’est très difficile de perdre ce sentiment et je voudrais que ça ne s’arrête jamais. À l’occasion, il peut même m’arriver de me sentir insécure et terriblement décue quand l’érection disparaît. Je vis souvent un deuil lorsqu’une relation sexuelle se termine, qu’elle dure 15 minutes, une heure ou deux jours. J’ai plusieurs fois exprimé le désir d’apprendre une autre façon de consommer la séduction et la sexualité. Depuis quelques temps, la vie me permet de faire de petit pas sur ce chemin et j’en retire beaucoup de joie, de gratitude et de fierté.

J’apprends la lenteur. J’apprends à contrôler l’agressivité ressentie quand je ne suis pas pénétrée au moment où je voudrais l’être. J’apprends à faire durer le désir jusqu’à ne plus en pouvoir. J’apprends à apprécier les caresses tendres et sensuelles sans être dans l’empressement d’être prise. J’apprends enfin à consommer la séduction et la sexualité comme de la fine cuisine, au lieu de m’en empiffrer comme dans un buffet à volonté telle une gloutonne.

J’ai toujours eu tendance à apprécier chaque sensation qui m’est offerte mais je dois admettre que maintenant je les apprécie davantage et elles me paraissent plus intenses. Quand je me sens obsédée par le sexe et que je n’ai que ça en tête je me demande « lune, est-ce vraiment de sexe que tu as envi? » Comme je suis plus à l’écoute de mon corps, je réalise bien souvent que ce n’est pas exactement ce dont j’ai besoin. Je sens que j’évolue mais je considère malgré tout que j’en ai encore beaucoup à apprendre.

Ce côté de moi se reflète dans plusieurs sphères de ma vie. J’en veux toujours plus, et j’arrive difficilement à être raisonnable. Mes émotions sont aussi assez démesurées ainsi que ma manière souvent maladroite de les exprimer. J’ai déjà fait des pas de géante en éliminant de mon existence l’alcool, la drogue, et les relations malsaines. Même la nourriture arrive de plus en plus à me rassasier mais en général, le sentiment de satiété ne m’a pas habité souvent dans ma vie. Je suis en train de l’apprendre doucement. Lentement mais sûrement.

Malheureusement, je demeure insatiable à plusieurs niveaux. Plus précisément ce qui touche les relations affectives et le plaisir sous toutes ses formes. Je suis souvent comme une petite gamine qui ne veut pas arrêter de s’amuser, qui refuse qu’on lui enlève ses jouets, qui réagit très mal quand on lui dit non, qui est mi-naïve, mi-méfiante et qui a souvent et démesurément besoin d’être rassurée. Que de vilains travers à corriger!

J’ai tendance à voir l’ensemble de mes défauts comme un horrible « monstre » qui vit au fond de moi, et je vis souvent dans la peur qu’on le découvre et qu’on me trouve moins belle, moins bonne, moins aimable. Je l’ai toujours su mais en discuter avec Isabelle m’a fait réaliser combien la peur de ce « monstre » ne me quitte jamais. Dans le passé, j’entretennais souvent des relations platoniques sans engagement profond, et je finnissais par prendre la fuite pour éviter qu’on ne découvre ce « monstre ». Aujourd’hui, j’ai envi de me laisser connaître entièrement malgré tout ce que cela implique. À part les membres de ma famille, j’ai dans ma vie un nombre plutôt limité de personnes qui ont vu plusieurs de ces facettes. Ce sont des gens auxquels je suis très attachée et desquels je me sens aimée. Pourtant, chaque fois que ce « monstre » refait surface j’ai honte et j’ai peur de leur jugement.

Quand on me demande à quoi ressemble ce fameux « monstre », j’ai toujours de la difficulté à le décrire. Pour moi, c’est quand je boude parce que je n’obtiens pas ce que je désire. C’est quand on me rassure et que je ne me sens pas plus rassurée. C’est quand je suis jalouse. C’est quand je veux arrêter de pleurer sans y arriver. C’est quand je ne peux m’empêcher d’exiger plus que ce que l’on m’offre. C’est quand on est témoin de ma colère, que je gère dailleurs très très mal. C’est quand la petite fille en moi m’empêche d’être la femme-adulte-raisonnable que je voudrais être. Bien que je reconnaisse mon droit d’être humaine, que je sache que la perfection n’existe pas et que je sois consciente que je ne pourrai jamais éliminer ce « monstre », je persiste avec acharnement à vouloir le contrôler, pour pouvoir être une femme parfaite, une amie parfaite, une amante parfaite...Rien de moins. C’est dommage mais j’accorde souvent plus d’indulgence et de tolérance aux autres qu’à moi-même.

Je me considère une belle femme, avec une grande richesse intérieure et de magnifiques qualités. Pourtant, quand Isabelle m’a demandé si je me voyais comme une personne « aimable » je suis restée silencieuse trop longtemps. Cette hésitation a fait naître un noeud dans ma gorge est des larmes dans mes yeux. « Je suis une personne aimable » ais-je finis par répondre après avoir ravalé ma salive plusieurs fois. J’y croyais vraiment mais j’étais terriblement décue de ne pas avoir répondu plus instantanément puisque je ne doute pas de ma beauté et de mes forces. J’ai seulement cette triste impression, bien ancrée en moi depuis longtemps, qu’il est plus difficile de m’aimer quand on découvre tout ce que j’ai de moins reluisant...

La plupart du temps, et particulièrement ces jours-ci, je suis heureuse! Nous avons tous nos « bibittes » et je pense que même avec un grand désir de s’améliorer, nous ne devons pas oublier de vivre! Je peux toujours viser la perfection mais je dois garder en tête que je ne l’atteindrai jamais et que le cheminement est tout aussi important que le résultat final, sinon davantage. Je continuerai donc d’avancer sur ce chemin palpitant, un pas à fois, vers ce jour où la petite lune aura perdu sa peur du « monstre » pour devenir une plussss meilleure femme-enfant-adulte-raisonnable-et-PRESQUE-parfaite!

« Il n’y a de terrible en nous que ce qui n’a pas encore été dit » Louis-Ferdinand Céline